6 hommes possèdent autant que la moitié de l’humanité : comment est-ce possible ?
Alors que les 10 hommes les plus riches de la planète ont vu leur fortune doubler au cours de la crise, 160 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté… Ces données, publiées le 16 janvier par Oxfam, ont de quoi alarmer. L’ONG, dont la mission est de lutter contre l’injustice et la pauvreté, démontre une augmentation historique des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres depuis le début de la pandémie.
Comment expliquer une telle situation ? D’où vient l’enrichissement des plus riches, et de quoi leur fortune est-elle faite exactement ? Les uns « prennent-ils » aux autres ? Tentons d’y voir plus clair.
La crise Covid a profité aux riches et a enfoncé les pauvres
Sans ambiguïté, le rapport publié par Oxfam démontre un enrichissement inédit des plus riches depuis le début de la crise sanitaire mondiale. Au cours des deux années de pandémie, la fortune des milliardaires a plus augmenté dans le monde que durant les 14 années précédentes. Un record historique.
En 2019, déjà, Oxfam démontrait que les 26 personnes les plus riches de la planète détenaient à elles seules autant de richesses que la moitié des humains les plus pauvres. Ce qui représentait (quand même) 3,85 milliards de personnes à l’époque !
Pour prendre un exemple bien de chez nous, le milliardaire Bernard Arnault, 3ème fortune mondiale et Français le plus riche au monde, a vu sa fortune passer de 67 milliards d’euros en mars 2020 à… 163 milliards d’euros en octobre 2021. Avoir un compte en banque particulièrement bien fourni pendant la crise était visiblement une aubaine !
Si les riches sont bel et bien devenus encore plus riches ces deux dernières années, les personnes en situation de précarité ont vu, elles, leur situation se dégrader. Au cours de la même période, les revenus de 99% de la population mondiale ont diminué, et les plus pauvres sont davantage touchés par ce phénomène. Depuis le début de la pandémie, 160 millions de personnes ont basculé dans la pauvreté sur la planète, et près de 4 millions de Français sont passés en situation de vulnérabilité financière.
Selon une récente étude du Secours populaire, 45% des Français ont ainsi vu leurs revenus diminuer durant la crise, et ce chiffre monte à 58% chez les personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté. De quoi se demander si le monde marche sur la tête, et pourtant, il existe des explications économiques à ce phénomène…
Quand les aides gouvernementales profitent aux plus puissants
Pour expliquer cet accroissement historique des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres, Oxfam avance la cause des aides publiques accordées durant la crise. Au cours des deux dernières années, les banques centrales et les États ont effectivement dépensé des milliers de milliards afin de soutenir l’économie. Rien qu’en Europe, à travers son Programme d’achats d’urgence face à la pandémie, la Banque centrale européenne a dépensé le montant historique de plus de 1 850 milliards d’euros !
Des aides qui ont eu pour conséquence d’enrichir – indirectement – les milliardaires… Pourtant, elles ne sont pas allées directement dans leurs poches ! L’explication est simple : la fortune des hommes les plus riches de la planète est très largement mobilière, c’est-à-dire composée essentiellement de titres de participation (actions) dans les entreprises qu’ils dirigent. Comme ces titres sont directement liés aux marchés financiers, le boost de croissance apporté par les banques centrales a fait grimper leur valeur.
Voilà pourquoi les milliardaires, qui détiennent la majorité des actions des plus grandes entreprises (LVMH pour Bernard Arnault) ont vu leurs fortunes personnelles s’envoler durant la crise. Mais cette fortune est une fortune théorique, qui fluctue en fonction de l’état des marchés financiers…
Tous les plans de secours à l’économie mis en place à travers le monde ont d’ailleurs eu pour conséquence (parfaitement attendue par les banques centrales) d’enrichir les plus riches, mais là n’était pas le but premier. Il s’agissait avant tout d’éviter une crise financière mondiale. Dans le même temps, les politiques publiques plus favorables aux entreprises mises en place durant la pandémie (offrant notamment des réductions fiscales) ont elles aussi contribué indirectement à l’enrichissement des milliardaires.
Comment expliquer alors que, de leur côté, les plus pauvres aient souffert et souffrent encore des conséquences de la crise ? Là encore l’explication est économique : si les gouvernements ont mis en place des mesures de soutien aux salariés, telles que le chômage partiel ou les prêts garantis pour les entreprises, les personnes qui étaient déjà proches du seuil de pauvreté n’en n’ont pas bénéficié. Les étudiants, les employés précaires, les retraités n’ayant qu’une faible pension… Tous ces profils économiques sont ceux qui ont basculé dans la pauvreté au cours de la pandémie. 5 à 7 millions de Français ont d’ailleurs dû bénéficier de l’aide alimentaire pendant cette période.
Plus que jamais avec les conséquences économiques de la crise sanitaire, la question des inégalités devient un enjeu central pour nos sociétés. Si depuis des années, les plus riches continuent de s’enrichir tandis que davantage de personnes tombent dans la pauvreté, la pandémie a accéléré ce processus alarmant. Un système intenable sur le long terme, qui ne changera que suite à des décisions politiques pour de redistribuer davantage les richesses accumulées. Politique fiscale plus juste, impôt sur le revenu progressif, fiscalité sur les entreprises mieux adaptée… Les mesures avancées par certains économistes pour améliorer la situation sont déjà sur la table.