Pénuries, hausse des prix… Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine
Le jeudi 24 février 2022, la Russie a lancé l’invasion de l’Ukraine en choquant le monde entier.
Si ce conflit a déjà des conséquences terribles pour le peuple ukrainien (1 million de réfugiés ont déjà fui le pays, et plus de 60 civils ont perdu la vie à ce jour, 4 mars 2022), il impacte aussi l’ensemble de l’économie mondiale, et notamment européenne.
La Russie (grande exportatrice d’hydrocarbures), en faisant la guerre à l’Ukraine (grande exportatrice de céréales), influence indirectement l’économie et la finance mondiales, y compris chez nous en France.
Quel impact a d’ores et déjà cette guerre sur notre quotidien, notre économie, nos finances ? Quelles sont les conséquences possibles dans les semaines à venir ? On décrypte dans cet article les répercussions très concrètes du conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Des conséquences à l’échelle mondiale
Un contexte particulièrement tendu et complexe
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine ne date pas d’hier (on se souvient d’ailleurs de l’invasion de la Crimée en 2014) : il est complexe et repose sur de nombreux facteurs géopolitiques et économiques. Si vous souhaitez en savoir davantage sur les causes et les enjeux politiques de cette guerre, on vous renvoie vers la FAQ du Monde !
D’un point de vue purement économique, la guerre en Ukraine arrive alors que le monde semble à peine sortir de la crise du Covid-19, qui a déjà eu des conséquences néfastes sur les marchés. Des conséquences telles que l’inflation, des problèmes logistiques et d’approvisionnement, ainsi que l’augmentation globale des inégalités, dont on vous a déjà parlé dans des articles précédents.
Le conflit russo-ukrainien intervient donc alors que les taux de croissance des grandes puissances économiques sont déjà plus faibles qu’il y a quelques décennies, que la croissance mondiale est plus lente, et que les gouvernements et les banques centrales ont dépensé comme jamais (des milliers de milliards) pour éviter une crise majeure pendant la pandémie. Dans ce contexte, on comprend que les États, déjà endettés, ont moins de marge de manœuvre pour affronter encore une nouvelle crise…
Depuis le début du conflit, un rapport de force s’est installé entre la Russie et les puissances occidentales, toutes interdépendantes d’un point de vue énergétique. Le 21 février dernier, alors que Moscou reconnaissait l’indépendance des républiques séparatistes de l’est de l’Ukraine (préparant son invasion), l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni et les États-Unis achetaient toujours pour 700 millions de dollars par jour de pétrole, de gaz et de métaux aux Russes ! Dans les jours suivants, alors que la guerre a bel et bien éclaté, ces achats ont même accéléré.
Un comportement étrange, pour des puissances occidentales qui évoquent régulièrement le fait de sanctionner économiquement la Russie. Mais la situation est complexe : sanctionner Poutine en diminuant les importations de carburants et de métaux fait courir le risque d’un énorme choc économique à l’Occident. Et de l’autre côté, ne pas le sanctionner revient à financer indirectement la guerre qu’il mène… Un choix impossible. Mais pour l’heure, c’est bien l’évitement du choc économique qui est privilégié.
Idem en ce qui concerne le fameux retrait de la Russie du système SWIFT (le système international qui permet aux banques du monde entier d’effectuer des transactions entre elles) : pour le moment seules 7 banques russes en ont été exclues, mais celles étroitement liées au secteur des hydrocarbures ont été préservées.
Conséquence à l’international : la stagflation
Et pourtant, malgré les sanctions encore très limitées de la part des puissances de l’ouest, l’augmentation globale des prix sur les marchés est bien réelle (+1% depuis le début de la crise). Si, à faible dose, l’inflation est bénéfique à l’économie, car elle stimule l’investissement, il s’agit ici d’une mauvaise inflation (de l’avis même des spécialistes), qui rogne petit à petit le pouvoir d’achat des ménages.
Le prix du baril de pétrole a dépassé les 105$ le 24 février dernier, un record depuis 2014. Cette hausse des prix de l’énergie impacte directement le secteur des transports et la bonne circulation des marchandises. Le blé et le maïs ont atteint des records de prix historique sur le marché européen (le plus exposé) : 344€ la tonne pour le blé !
Le risque majeur, selon les experts qui analysent la situation, est la stagflation : un mélange d’inflation forte et de faible croissance économique. Une situation qui rappellerait la première crise pétrolière de 1973, qui avait vu le pouvoir d’achat s’effondrer et le taux de chômage s’envoler. Mais nous n’en sommes (heureusement) pas encore là.
Côté marchés financiers, les banques centrales ont déjà injecté énormément d’argent dans le système pour pallier la crise sanitaire et stimuler l’économie. Elles comptaient d’ailleurs retirer progressivement leur soutien dans les mois à venir, mais cette nouvelle crise risque bien de les en empêcher…
Un impact bien réel en France
Et chez nous, que va-t-il se passer ? Si le conflit russo-ukrainien a lieu à plus de 2 600 kilomètres de la France, nous subissons nous aussi ses conséquences de manière indirecte, dans notre économie mondialisée.
Vous l’avez peut-être appris avec cette crise : la Russie est le plus grand fournisseur de pétrole et de gaz de toute l’UE. 46% du gaz importé en Europe provient de Russie, et ce ratio est encore plus important dans certains pays européens : 55% du gaz consommé en Allemagne, et même 100% du gaz utilisé dans certains pays de l’est ! Heureusement pour nous, la France est bien moins dépendante, puisque 24% de son gaz provient de Russie.
Notre ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a d’ailleurs récemment insisté sur le fait que la France est globalement peu exposée au marché russe, pour seulement 1 à 2% de ses importations et exportations. Bonne nouvelle : le ministre a également assuré que le gel du prix du gaz serait maintenu pour les Français.
Mais certaines conséquences désagréables sont malheureusement inévitables : nos principaux fournisseurs de pétrole, à savoir la Norvège et l’Algérie, augmentent inévitablement leurs prix depuis le début du conflit, face à la forte demande pour des volumes limités. Une hausse que nous avons pu constater à la pompe…
La Russie et l’Ukraine comptent également parmi les plus importants exportateurs de blé au monde, et plus particulièrement en Europe. L’Ukraine est aussi le 4ème pays exportateur de maïs de la planète.
Pas de pénurie à prévoir
Rassurez-vous : aucune pénurie à prévoir en l’état actuel des choses ! La France étant bien davantage une productrice de céréales qu’une importatrice, les conséquences du conflit au niveau alimentaire resteront minimes. Sauf concernant l’huile de tournesol, que nous importons tout de même pour moitié d’Ukraine. Des conséquences minimes, mais pas nulles : les prix risquent bel et bien d’augmenter sur le marché agroalimentaire, notamment ceux des pâtes, de la farine et du pain. Ceci à cause de l’augmentation du prix du gaz, énergie fossile qui impacte directement les coûts de production des céréales.
Du côté de nos entreprises, ce sont très logiquement nos géants nationaux dans les secteurs des transports (aérien, automobile, maritime…) et de la grande distribution qui seront vraisemblablement les plus impactés (mais aussi les plus soutenus par l’État) durant cette crise.
Alors que nous ne sommes probablement (et malheureusement) qu’au début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les conséquences économiques pour les Français restent mesurées, car la France n’est que peu exposée au marché russe.
Malgré tout, nous subissons déjà la hausse des prix (essence, chauffage…) qui s’étend à l’ensemble du marché européen. Une situation qui pourrait perdurer, s’aggraver ou se résorber dans les semaines à venir, en fonction de l’évolution du conflit et des sanctions infligées tant par la Russie que par l’Occident…
Face à cette nouvelle crise, le président Macron a souligné, dans son allocution du 2 février dernier, sa volonté d’accroître l’indépendance et l’autonomie de la France, tant au niveau de ses ressources qu’au niveau de sa défense. Un projet déjà initié suite à la pandémie de Covid-19, afin d’éviter à l’avenir toute situation de dépendance vis-à-vis des pays étrangers.