Comprendre l’évasion fiscale à très grande échelle
Pandora Papers, finance offshore, évasion fiscale… Ces termes reviennent régulièrement à la Une des médias. Et si l’on comprend bien qu’il s’agit de gens (déjà) très riches qui se permettent sans aucun complexe de ne pas payer leurs impôts, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver et de bien saisir tous les enjeux de la situation.
Alors que les Pandora Papers ont été publiés le 3 octobre dernier, revenons sur les dernières révélations concernant l’évasion fiscale à très grande échelle et ce qu’elle implique.
Les Pandora Papers, c’est quoi ?
Alors de quoi parle-t-on ? Tout comme les Panama Papers ou les Paradise Papers publiés ces dernières années, il s’agit de la révélation par environ 600 journalistes d’investigation de presque 12 millions de documents (rien que ça !) datant des années 1970 à nos jours, prouvant la fraude et l’évasion fiscale dont sont coupables des milliers de personnalités politiques et publiques.
Ces journalistes, qui ont travaillé dans le cadre du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont ainsi vérifié et synthétisé des documents provenant de 14 sociétés de services financiers différentes, concernant près de 29 000 sociétés offshore.
Politiciens, religieux, monarques, chefs d’État, milliardaires et même stars du showbiz… Tellement de personnalités sont impliquées qu’on a du mal à réaliser l’ampleur de l’affaire. Bien souvent lorsqu’il s’agit de politiciens, les personnes en cause prétendent en public lutter activement contre la corruption… hum.
L’évasion fiscale, pas si grave en apparence ?
Pour comprendre en quoi consiste exactement la fraude dont sont accusées les personnes impliquées dans l’affaire, il faut d’abord comprendre ce qu’est une société offshore. Il s’agit d’une entreprise ou d’une association, basée dans un pays différent de son activité principale, et de préférence dans un paradis fiscal.
On les connaît bien : îles Vierges britanniques, Dubaï, Singapour, Panama, Seychelles… Ces États ont la particularité non seulement d’être stables politiquement (il est donc peu risqué d’y investir), mais aussi d’avoir des lois et des politiques fiscales beaucoup plus arrangeantes que chez nous.
Ainsi, en plaçant leur argent dans des sociétés offshore au sein de ces paradis fiscaux, les personnalités accusées dans le cadre des Pandora Papers peuvent mener leurs activités d’investissement de manière anonyme et sans payer d’impôts.
C’est comme ça que Tony Blair, ancien Premier ministre britannique, aurait par exemple acheté sa propriété de 8,8 millions de dollars au Royaume-Uni, sans s’acquitter de la taxe d’habitation de 400 000 dollars (c’est sa société offshore basée aux îles Vierges britanniques qui était propriétaire du bien).
Encore plus grave, il semblerait, selon les journalistes ayant travaillé sur l’affaire, que certains financent des activités illégales, voire criminelles, par le biais de l’évasion fiscale et des sociétés offshore. Des milliards et des milliards de dollars cachés ou détournés à des fins néfastes pour la société… On réalise mieux l’ampleur du scandale.
Récemment, l’Union africaine sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique nous indiquait que près de 50 milliards de dollars américains étaient perdus chaque année à cause des flux financiers illicites liés à l’évasion fiscale. Lorsque l’on sait que, selon le directeur du Programme alimentaire de l’ONU, 6 milliards de dollars suffiraient à sauver 42 millions de personnes de la famine, cela remet les choses en perspective…
Les Pandora Papers révèlent aujourd’hui au monde entier l’usage plus que douteux que font des milliers de membres de l’élite politique et financière des sociétés offshore. Bien que techniquement légale, cette pratique pose des questions éthiques majeures et l’ampleur du scandale mènera peut-être à des réajustements au niveau de la loi afin de sanctionner les personnes impliquées.